Thèmes

roman romano tsigane gitan homme travail femmes prénom affiche roman cirque mer vie enfants amis affiche

Rechercher
Articles les plus lus

· Chapitre I – Du rire aux armes
· AVANT PROPOS
 

Abonnement au blog
Recevez les actualités de mon blog gratuitement :

Je comprends qu’en m’abonnant, je choisis explicitement de recevoir la newsletter du blog "moi-jeu" et que je peux facilement et à tout moment me désinscrire.


Statistiques

Date de création : 14.06.2011
Dernière mise à jour : 15.06.2011
2 articles


Chapitre I – Du rire aux armes

Publié le 14/06/2011 à 23:44 par moi-jeu Tags : romano tsigane gitan homme travail femmes prénom affiche roman cirque mer vie enfants amis

Les origines de la famille sont assez complexes. Au plus loin qu'il est possible de remonter, c'est en Mongolie où les trisaïeuls ont émigré vers la Russie en 1880 pour trouver du travail puis, fuyant le régime tsariste, ils ont pris la direction de l'Ouest de l'Europe, traversant pays après pays, en roulote, donnant des spectacles pour gagner de quoi manger mais également pour nourrir les bêtes qui forment le zoo ambulant.

Nous voilà 40 ans plus tard, en 1920, en Italie. Que de périples pour en arriver là...

Mikhail est la tête d'affiche, annoncé comme l'homme le plus grand du monde, il atteint les deux mètre trente et doté d'une force herculéenne. Ses traits sont burinés, certes de par ses origines mais aussi du fait d'être toujours dehors. Il n'a jamais froid. L'été il aime arborer son torse nu aussi sculpté qu'une statue grecque, l'hier il lui arrive de passer un marcel très moulant et pour cause, il n'en trouve pas à sa taille. Ses jambes sont recouvertes d'un collant noir rehaussé d'un ceinturon de cuir large avec une énorme boucle ronde en acier. Pour attirer la foule il interpelle un curieux, le plus grand et fort qu'il puisse trouver, il lui demande de le ligoter avec une grosse chaîne, surtout qu'il n'hésite pas à serrer du mieux qu'il peut. Attaché comme un rôti, il commence alors à bander ses muscles, la chaîne lui rentre dans les chairs devant les yeux ébahis des gens amassés autour de lui. Poussant alors des hurlements tout en se tordant dans tous les sens, il se délivre rapidment de ses fers sous les applaudissements des hommes et l'émerveillement des femmes car en plus d'être costaud il est beau. Le soir, sur la piste du cirque il choisit quatre hommes de taille moyenne, il les place deux de chaque côté, ils lui arrivent tout juste au milieu du torse sous les rires des spectateurs, il prend une barre d'acier qu'il pose sur ses épaules demandant aux quatre hommes de s'y suspendre, pliant légèrement les genoux, il soulève le tout à bout de bras, Monsieur Loyal précise que "Lev le colosse" est entrain de porter plus de 300 kilos. Mikhail a choisi le psudonime de Lev, prénom Russe qui veut dire "lion".

Anushka est une femme encore jeune mais ses traits ont vieillis, toujours dans des vêtements dont les couleurs dominantes varient du gris au noir. Elle rempaille des chaises, celles des gradins bien sûr, mais aussi, parfois, pour des clients de passage qui trouvent son travail remarquable. Elle ne parle pas beaucoup, aime la solitude, ne se palint jamais, le corps vouté, les mains lacérées par l'osier qu'il faut tresser très fort.

Lorsqu'elle a rencontré Mikhail, en 1901, elle n'avait que 17 ans, lui 20, en cette année du nouveau siècle elle travaillait dans une artel, coopérative de production russe d'avant la période soviétique, qu'elle n'a pas connue puisqu'elle ne sera fondée que le 30 décembre 1922. Les artels deviendront des kolkozes mais, bien que profondément communiste, elle n'imaginera jamais que le fait d'avoir changé de nom fasse que les ouvriers s'y sentent mieux. Ce sont d'ailleurs, en partie, ses opinions politiques qui l'inciteront à suivre cet homme grand, beau et fort.

Après avoir traversé les montagnes de l'Oural, ils atteignirent Moscou où naquit Aleksei en 1903. Prenant la direction de la Mer Noire dans l'espoir de fuir l'opression, ils franchirent l'Ukraine pour arriver en Roumanie. Ce fut au tour d'Oleq de prendre vie en 1907. Des hivers rudes, des difficultés pour trouver un travail à trop se déplacer, deux enfants en bas âge, ils décidèrent de faire une halte dans cette "île latine au milieu d'un océan slave" (expression popularisée par Nicolae Lorga, historien et homme politique de l'entre-deux guerres. Bien que la Hongrie, également ne fasse pas partie des pays slaves, la latinité roumaine est essentiellement linguistique).

Ils furent recueillis à Slobozia par Kaeso et son épouse Agrippa, couple propriétaire terrien aus idéaux démancipation et de progrès. Mikhail oeuvrait dans les champs alors qu'Anoushka entretenait la maison tout en s'occupant des enfants. Ils s'intégrèrent rapidement malgré la barrière de la langue aidés du fait que tous les soirs les deux hommes avaient de longues discutions politiques ce qui procura à Mikhail la maîtrise de cette langue ainsi que de son accent mais surtout des connaissances politiques et sociales.

Pour "l'Anul Nou 1918", le Nouvel An, afin de célébrer la révolution russe, pères, mères, enfants, décidèrent d'aller passer la soirée au cirque installé non loin de là. Quelle ne fut pas surprise pour Mikhail de reconnaître Akilina, Fedora, Bogdan, Andrei, ses frères et soeurs qui dansaient, jonglaient, amusaient la compagnie.

Les dernières années en Russie avaient été particulièrement dures, les révolutionnaires, parmi eux leurs parents, assassinés par les soldats du Tsar, aussi ils avaient dû fuir,  trois ans plus tôt, et avaient monté ce petit cirque ambulant pour survivre. Comment accepter de perdre à nouveau ce qui restait de sa famille ? Ils se joignirent donc à la troupe et Mikhail, en tant qu'aîné, pris la direction des affaires sous la décision unanime de la petite communauté.

Certes, à présent, le communisme semble triompher de l'impérialisme tsariste mais la terreur continue de règner. Lénine vient d'arriver au pouvoir grâce à la révolution d'Octobre, il n'empêche que depuis maintenant près d'un an la Russie connaît la guerre civile. L'ensemble des évènements semble dire que se n'est pas fini, loin de là. L'intervention étrangère, les multiples règlements de compte, les déchaînements de violence spontanés ne font qu'ajouter au troubles. Il n'est pas question de retourner au pays.

Il paraît qu'un roumain peut parler facilement italien tant ces deux langues se ressemblent et plus précisément le milanais. C'est là-bas qu'il faut aller, ils doivent à tout prix quitter les pays de l'Est. La Hongrie se révèle une étape évidente. Les habitants, les Magyars, qui désigne les hongrois de Hongrie comme les hongrois d'outre-frontières venant de Bohême, Moldavie, Galicie, Autriche, enfin  d'un peu partout, ces gens là donc ne peuvent que savoir accueillir les étrangers.

Bien que l'armistice de la mauvaise guerre soit signé, l'Europe est déchirée physiquement, moralement et surtout politiquement. L'étincelle qui a provoqué cette débacle est survenue le 28 juin 1914 lorsque les Serbes bosniaques ont assassiné l'archiduc François-Ferdinand, l'héritier du trône austro-hongrois. Les exigences de vengeance de cet empire, fortement encouragé par l'Allemagne, à l'encontre du royaume de Serbie ont amené l'activation d'une série d'alliances obligeant plusieurs puissances européennes à s'engager sur la voie de la guerre.

Finalement l'accueil n'est pas celui escompté. Les habitants pleurant leurs morts sont épuisés par les conflits qui ont défigurés tant villes que campagnes. Ce n'est pas que nos artistes soient rejetés mais l'humeur n'est pas à l'amusment. Chacun cherche davantage à reconstruire ce qu'il a perdu, ses biens, sa famille... Leur spectacle ne fait plus recette. Il ne leur faudra que 8 mois pour passer de la Hongrie à l'Autriche pour atteindre enfin l'Italie. Anushka va mettre au monde son troisième fils, Boris.

Des milleirs de kilomètres parcourrus, des dizaines de langues et dialectes pour se faire comprendre afin de faire rire et chanter les gens, mais la vie sous les étoiles, même si elle difficile vu l'incapacité de se faire des amis, qu'il fasse très chaud ou trop froid, s'il arrive de ne manger qu'un jour sur trois, s'ils ne sont que rarement bien accueillis, s'ils se font traiter de voleurs de poules, ils préfèrent tous partager la vie des manouches, romanos, tsiganes et autres gitans que d'être sous le joug d'un patron.

à suivre....